samedi 12 août 2006

Oraison

Les entrelacs muets des branches
Dans l'air bleu composent les vitraux de l'église primale
Où moi
L'apôtre et Christ vaincu
Amant insolite
Je prie

Les vents s'évadent par ma bouche
Leur souffle étreint le monde d'une étreinte inféconde
Et mon cœur
Pareil au lourd rideau de l'histoire sainte et triste
Saint des saints dévoilé de ma Jérusalem
Lourdement se déchire
À l'endroit de ton nom

Allez, vents de la plaine
Des monts
Du grand désert
Allez dire à qui j'aime que son nom est un fer
Que sous les vitraux bleus
Balancés mollement dans la brise
Ma prière est son nom
Son nom
Qui est la seule vraie croix de mon église sous le ciel

Ô mon amour
Triste pendu entre les arbres qui s'étirent
Comme un soleil
Mon cœur percé perd mon amour
Comme du sang
Comme la brise dans les arbres
Coulent mes larmes
Passent les heures lentement

La Valse




Il tourne autour de moi comme un mensonge, un beau mensonge à la peau claire, aux yeux fiévreux et graves, un jeune mensonge au sourire lumineux et doux. Une de ces menteries à l'horizon de cour d'école, quand on dirait que je serais et que tu ferais comme si, et que, sous le préau, ce serait l'Amérique.

Il est arrivé sans prévenir un soir d'octobre, traînant à ses semelles et d'un air innocent sa petite avalanche de beauté. Il ne dit pas grand-chose. Il se contente de sourire. Je crois bien qu'au fil des mois, son sourire à laissé une empreinte sur les murs de la maison. Cela explique sans doute pourquoi je le vois partout, des murs du salon au creux des draps froissés par les nuits d'insomnie. Partout, jusqu'à mon cœur où une petite cicatrice a la forme de ce sourire. Oui, même là. Même ici.

Je ne compte plus les nuits où j'ai basculé doucement sa nuque au creux de ma main, couvrant ses yeux et son cou de baisers aussi secrets que ses silences, où j'ai caressé son épaule, où je l'ai porté dans mes bras, extatique et reconnaissant, pliant sous le seul poids de son innocente splendeur. Je l'ai aimé, mieux qu'aucun autre, pour son mystère, pour le simple miracle de sa présence, pour son souffle sur ma peau et la noirceur déterminée de son regard dans l'amour. Je l'ai aimé avec cette douceur triste de l'abandon, comme s'il avait pu me quitter au matin, lui qui ne m'est jamais venu, comme s'il avait dû partir.

Il est le bien-aimé. Son parfum est un jardin où s'épanouissent des fleurs sauvages. Sa peau est une ivresse meilleure que le vin. Et la soie de sa main dans la mienne serrée, tandis que son jeune sourire se penche et se pose au fond de mes yeux, fait monter dans mon cœur une ombre d'indécence et de bonheur enfuis. Il est le bien-aimé. Le soleil se lève pour moi seul dans chacun de ses pas quand il approche. Le grand soleil où se rêve la nuit aux plaisirs murmurés. Le grand soleil énamouré. Le beau soleil du bel été.

mercredi 9 août 2006

À la bonne maison

À la bonne maison
Des assiettes décorent le haut des murs
Elles célèbrent la nation, le roy François et la Révolution
Puis dans un murmure elles disent
Les repas chauds du long hiver
Morsures de la noire bise
L'éclat des verres
Et des bons rires disparus

Dans des cadres alignés sur les murs
Des gravures anciennes montrent
Le paysan de l'Oberland bernois
Fumant sa longue pipe et contre
Les bas de laine des grands froids
Le bas-bleu à la triste fripe
Au Luxembourg l'habituée
Promène son caniche nain
Elle va minaudant sous les arbres
Exagère un peu son dédain
Insensible aux soupirs déposés
Sur sa belle nuque de marbre

Dans la vallée
Qu'on aperçoit trouant le soir entre les arbres
Les villes endormies scintillent comme des étoiles tombées

À la bonne maison
Où les parquets craquent dans la nuit
Le feu crépite doucement et fume
Et l'ombre ancienne palpite et bruit de jeux d'enfants
À la bonne maison des brumes
La bonne maison des vents
À la maison Bonne
Où frissonnent et dorment
Les bonnes gens