Des hommes passent et leur tumulte
Pour mon cœur ombrageux sonne des hallalis
Ils passent et pourtant leur beauté s'humilie
Dans mes yeux que les miroirs insultent
Entre leurs cuisses pendent leurs sexes
Offerts et je pensais tout en les regardant
Honteux mais sans désir et triste cependant
Je pensais à leurs cœurs et à l'amour complexe
Le désir et l'amour luttent comme deux frères
Tel qui veut le second se flatte du premier
Et je porte mon cœur parmi les cœurs fermés
Les sourires d'amants sont comme des paupières
mercredi 21 août 2013
dimanche 9 juin 2013
Pour François G.
La
danse est une pentecôte
Un
esprit de feu te possède et t'anime
Ton
corps de chryséléphantin obéit
Souple
et prêt
Douloureux
Endurant
et soumis
Proférant
un à un par le geste aboutis
Les
mots du langage secret que seuls entendent les voyants
Écoutez-moi
Voyez
la danse solitaire où s'époumone mon espoir
N'est-ce
pas que du bout de mes doigts naquirent des soleils
Dont
je fus moi même étonné
Ma
voix est dans les muscles sous ma peau
Dans
mon cœur
Dans
mon sexe
Dans
tout ce qui s'agite et crie dans le silence
Écoutez-là
La
vie
Le
monde
Toute
l'horreur du monde et son envie
Sont
dans la danse solitaire où s'époumone mon espoir
Je
suis de feu moi qui aime la mer
Oh !
Moi qui l'ai quittée pour suivre les sirènes
J'habiterai
toujours le rocher où la vague m'appelle
Je
serai celui-là qui attend et espère
Une
épouse fidèle
Une
noce de sang, de terre et de fureur
Je
veux un soir brisé, fou
Las
de moi et de tout
Retrouver
le chemin familier sur la côte
Et
tremblant
Tout
tremblant de fatigue et de sueur
Après
avoir dansé une dernière fois
Plonger
dans l'eau obscure et froide
De
l'enfance
Où
nagent les danseurs
Où
tu nages avec moi
Publié par Xavier Moulia à 7:39 PM 0 commentaires
Catégorie(s) : Poèmes
samedi 10 décembre 2011
Salé
En écoutant Keith Jarrett & Charlie Haden, "Jasmine".
“It would be wonderful to say you regretted it. It would be easy.
But what does it mean? What does it mean to regret when you have no choice?
It's what you can bear. There it is.”
Lire le texte de Benoît Launay sur la même musique.
Publié par Xavier Moulia à 9:00 PM 0 commentaires
Catégorie(s) : Défi
dimanche 27 novembre 2011
Réveil
En écoutant François Couperin, "Pièces de clavecin", Livre IV, 25e ordre: "Les Ombres errantes". Alexandre Tharaud, piano.
Le souvenir est une forêt dense où je me suis perdu.
J’oublie, vite, souvent. Les visages et les voix. Les noms. Une odeur. C’est comme si j’avais en mémoire les souvenirs d’un autre, de plusieurs autres. Tout me semble étrange et étranger des fragments agrafés les uns aux autres qui façonnent leurs imperfections, et racontent une histoire insensée.
Ces appartements froids, ces visages aux yeux fixes, les ai-je vraiment connus ? Est-ce qu’il n’y a pas dans les tiroirs de la maison des photographies où je les aurais vus ? Est-ce que je n’ai pas volé dans les récits de mon enfance — ombres errantes, tricoteuse au coin du feu, barricades en carton — la matière imprécise du souvenir que j’en ai ?
Mon avenir est clos. Être au monde, c’est avoir pour seule certitude d’y renoncer. J’aime ce point fixe à l’horizon. Il ne m’effraie pas encore. Comme les montagnes bleues, il délimite de sa présence sensible le territoire de ma vie. La mort est plus fidèle que la mémoire.
Il y a dans le sous-bois, après la maison de mes oncles, à une centaine de mètres au bord de la route, une planche pourrie au-dessus d’un ruisseau. Je l’ai connue cabane.
Il y a dans mon jardin, un cerisier dont le tronc triple se déchire. Je l’ai connu noyau.
Il y a, dans une chambre, le lit sur la barrière duquel j’ai posé mon visage. Le soir tombait et tu as caressé ma tête longtemps.
La mort est plus fidèle.
Lire le texte de Benoît Launay sur la même musique.
Publié par Xavier Moulia à 12:27 AM 1 commentaires
Catégorie(s) : Défi
samedi 13 mars 2010
Father and Son
On me demande si tu es toujours en vie, on s'en étonne. On ne t'a pas vu depuis tellement longtemps. On prend des nouvelles de ta santé, de ton moral. On me demande si tu sors un peu, parfois. On dit que c'est bien triste, que le temps doit te sembler long. On ajoute que tu as bien de la chance de ne pas être tout seul, qu'il y en a tellement d'autres qu'on a abandonnés, que c'est bien que tu sois à la maison. Pour finir, on nous félicite maman et moi, on dit que nous avons bien du mérite et, quant à moi, je souris encore en l'écrivant.
Ce n'est évidemment pas la vie dont nous avions rêvé, la vie simple sous les platanes, les cartes postales de la Costa ou du Pirée, mais c'est la vie que nous avons, rythmée par les repas de la journée, les fins d'après-midi sur France 3 et le rituel du coucher. Une autre vie, une autre chance.
Je savais que tu étais un vieil emmerdeur, un brin autoritaire et capricieux, inquiet, l'esprit sans cesse agité de mille tracas futiles, une branche près du toit, deux taupinières dans le jardin. Je ne voyais sans doute pas bien alors combien je te ressemble. Je devais me figurer que je serais très différent, au moins en ça.
Je ne me suis jamais vraiment expliqué la tendresse particulière qui nous lie. Je vois bien que maman se sent exclue souvent de nos plaisanteries, des rires dont elle croit être la cible et qui n'éclatent pourtant que du croisement de nos regards. Elle nous considère alors d'un air réprobateur qui redouble notre hilarité, aussi soudaine qu'incompréhensible pour elle, et qui renforce en moi le sentiment de ne partager ce moment qu'avec toi seul. J'aime ce rire. Il me ramène aux rivages de l'enfance, quand autour de la table de la cuisine, mamie et toi riiez à en pleurer. J'ai l'impression que c'est mon tour.
Tout ça finira mal bien sûr, puisque c'est toujours le cas. Un jour, dans six mois, dans un an, trop vite, trop tôt, un grand chagrin m'attend. Je mentirais si je disais que je n'en aie pas peur. C'est juste inévitable et ordinaire. Et tu es déjà mort une première fois.
Qui sait ce qu'il reste de nous quand nous n'y sommes plus ? Le souvenir que l'on rapporte — le cher mensonge ! —, des images dont après quelques années plus personne ne sait dire où et quand elles ont été prises, une vieille police d'assurance, des médailles dans le tiroir d'un secrétaire, un livret de famille, un mot d'amour ou une lettre d'insultes ?
Est-ce qu'il n'y reste pas aussi la forme d'un œil, le tourbillon de cheveux au sommet d'un crâne, la profondeur d'un sourire, ou le pouce qu'on tient serré dans la main droite sur le ventre ?
Et moi, que me restera-t-il papa ?
— Tant d'amour ! Tant d'amour !
Publié par Xavier Moulia à 9:54 PM 7 commentaires
jeudi 26 février 2009
Passacaille
Pour le danseur.
Un, deux.
Trois, quatre.
Cinq, six.
Sept, huit.
Neuf, dix.
Onze, douze.
Treize, quatorze —,
Quinze.
La foudre de ton bras s’abat devant mes yeux.
J’ai pris rendez-vous pour le 5. C’est un peu tard — la douleur est plus aiguë que jamais —, mais il ne pouvait pas avant et je n’avais pas envie de lui forcer la main. Je n’aime pas lui devoir quelque chose. Je n’aime pas cette impression qu’il me fait une faveur parce que je suis triste, qu’il le voit, et pour que je lui pardonne l’élan stérile que chacun de ses sourires provoque en moi.
Nous n’avons jamais reparlé de ce soir-là et il n’y a pas de raison pour que nous en reparlions un jour. J’imagine pourtant, quand il m’arrive de soutenir son regard, qu’il sait, qu’il se souvient. Il n’y a rien d’équivoque dans nos rapports, rien qui puisse laisser deviner l’inclination définitive qui m’intéresse à lui, au moindre de ses faits et gestes, et pas un signe sur mon visage, ni rictus ni décoloration de la peau, n’indique la cruauté que m’inflige son absence ou celle de ses retours.
Trois, cinq.
Les eaux du fleuve t’entourent comme un parfum. Sous sa caresse, ta tête penche dans l’air tiède et tu souris.
Je les regarde, je les écoute, mais je ne les aime pas.
Six, neuf.
Au bout de tes mains tendues, la souffrance ouvre une fenêtre sur le destin.
Avec obstination, le miroir réfléchit une image qui n’est pas la mienne. Ce gros homme qui me regarde, est-ce moi ? Je ne vois rien par dessus son épaule de la cohorte des visages que j’ai croisés. Rien dans ses cernes, dans les plis de son ventre, dans son sexe flétri et rentré.
Les livres que j’ai lus, où sont-ils ? Où est la marque visible de la musique que j’ai aimée ? En me penchant plus près, est-ce que j’apercevrai la trace d’une ancienne promesse ? Ainsi me reviendront peut-être les visages enfuis, les joues tendres, et les aimants regards qui se posaient sur moi, bienveillants témoins de mon innocence.
Je m’avance mais rien.
Dix, onze.
Le voile se déchire qui te séparait de la réalité ultime. Tu es libéré du mensonge. Par-delà la douleur et le plaisir, tu abordes à présent un mystère nouveau.
Il dit le chagrin passe et c’est heureux. Il fait partie de ces gens qui, parce que j’en suis inconsolable, cherchent à me convaincre qu’il n’y a pas de magie en ce monde, qu’aucune impression, aucun sentiment ne sont assez forts pour tout emporter sur leur passage, que l’amour, le désir ne sont pas des tempêtes et qu’au bout du compte rien de profond ne l’est assez pour ne pas être autrement qu’illusoire.
Je fais mine de céder. Je suis fatigué d’avoir à défendre cette position — ils diront cette posture — qui leur semble injustifiable et monstrueuse : rien n’est plus désespérant que de survivre au chagrin. Ils épousent leur humanité, je la supporte ; ils se consolent, je me débats. Et dans le silence où me retranchent les assauts de leur rationalisme, de leur instinct, je murmure capricieusement le secret de mon obsession : « Moi qui serais morte pour lui, pourquoi ne suis-je pas morte ? »
Douze, quinze.
Te voilà séparé du monde, au cœur du monde. Ne voient-ils pas tous ta beauté ?
Mon cœur se serre quand je pense à la façon dont tes sourcils se détendaient sous la caresse de mon doigt. Plus de sévérité dans ton regard, plus de souffrance. Plus rien qu’une confiance absolue dont le souvenir des mois après me bouleverse encore et dont la seule évocation me punit pour jamais de l’avoir trahie.
Seize, dix-sept.
Tous les cris te transpercent. L’Espérance tisse une toile de lumière dans tes plaies.
J’ai épuisé toutes les pharmacies de la ville au rythme d’une à deux par semaine. Il me faut à présent faire plusieurs kilomètres pour en trouver où l’on ne m’accueille pas avec un regard lourd de suspicion.
Je reste persuadé qu’après tant d’années de consommation journalière, ma dépendance à cet alcaloïde n’est pas étrangère aux douleurs qui envahissent les muscles de ma cuisse et descendent parfois jusqu’à la plante de mon pied droit. Qui sait d’ailleurs si mes troubles anxieux ne sont pas eux aussi liés à cette habitude ? Peu à peu, la sensation de bien-être s’estompe et me laisse confronté à l’étrange spectacle d’une déchéance intérieure dont je suis à la fois l'instigateur, la victime et le dépositaire du secret.
Dix-huit.
Voici la Mort en son cortège, fardée comme une reine nègre. Rien ne résiste à la violence précise de ton pas. Ton épaule est lourde de larmes, mais tes reins se cambrent encore sous la menace du déclin.
Je te regarde et je me souviens.
Je me souviens des samedis matin où on se retrouvait comme en cachette, juste pour parler, pour le plaisir d'être ensemble. Je me souviens de ta voix que je n'ai pourtant entendue qu'une fois, déformée, sur le répondeur de ton portable. Je me rappelle une photo où tu étais un soir en bord de mer, l'air absent, le pantalon retroussé sur les mollets. Je me souviens de ta peur de te faire prendre, de ma peur de te perdre, mais de t'avoir dit au revoir, un jour, parce que c'était mieux comme ça, parce que ça ne pouvait pas être mieux que ça.
Sur l'écran, il y a de nouvelles photos que je n'avais jamais vues. Des gens que je ne connais pas qui t'entourent et auxquels tu souris. Ça a l'air bien, chaleureux, simple. Je fais connaissance avec Stéph, Frédo, Laurent, Alice… Toute la bande. Avec Marion aussi, mais je l'avais déjà vue dans un de tes albums, celui qui n'a qu'une seule image et qui s'appelle « nous ».
J'ai beau me dire qu'un secret nous relie qui n'appartient qu'à nous, c'est difficile de te regarder, de te voir là, avec elle, avec eux, et de n'oser rien dire : surtout ne pas se faire remarquer, ne pas éveiller un improbable soupçon. « Qui c'est ce mec ? Tu le connais d'où ? » J'aime autant éviter de te faire mentir.
Je sais juste, sans trop savoir pourquoi, qu'entre nous il n'y pas d'au revoir possible. Je sais que quoi qu'il arrive, il n'y aura pas d'oubli.
Dix-neuf, Vingt.
Voici l’amour ! Voici l’amour !
Voici l’oubli.
La fin est dans le commencement.
La foudre de ton bras s’abat devant mes yeux.
Publié par Xavier Moulia à 10:04 PM 1 commentaires
lundi 24 novembre 2008
Doors
La porte de ma chambre.
La porte du salon qui donne sur la cour.
La portière de la voiture.
De nouveau la portière de la voiture.
Les portes vitrées de l'aéroport.
Les portes du sas de la salle d'embarquement.
La porte du couloir vers la passerelle.
La porte de l'avion.
De nouveau la porte de l'avion.
La porte du bus.
De nouveau la porte du bus.
La porte du terminal.
La porte du hall.
La porte de l'autre aéroport.
Le tourniquet de la gare.
La portière du train.
De nouveau la portière du train.
La porte de la gare.
La porte du bus.
De nouveau la porte du bus.
La porte de l'immeuble.
La porte du vestibule.
La porte de l'appartement.
La porte du bureau.
La porte de ta chambre.
Vingt-cinq portes et ton cœur me séparent de toi.
Publié par Xavier Moulia à 7:46 PM 0 commentaires
Catégorie(s) : Fonds de tiroirs, Poèmes