Paix foireuse
Alain Finkielkraut magace. Il magace parce quil est de cette sorte dintellectuels dont jai le sentiment quils prennent un malin plaisir à compliquer autant quils les complexifient, les concepts les plus ardus, les pensées les plus hermétiques et les situations les plus nouées. Il magace parce que son raisonnement sur le monde dépasse souvent de beaucoup lappréhension que jen ai. Il magace à vrai dire dautant plus que je crois quil a raison et que le fond de sa pensée, bien plus limpide que la logorrhée qui lentoure, mapparaît désormais comme une évidence. Quallons-nous faire de lIrak ?
Longtemps je me félicitais, comme beaucoup, de la fermeté affichée par la France, lAllemagne et la Belgique face au bellicisme obstiné de ladministration américaine. Je reste persuadé, bien après Fénelon, que « la guerre est un mal qui déshonore le genre humain » et, bien avant Yoda, que personne ne devient grand par sa pratique... Il nen reste pas moins, lhistoire nous la montré il ny a pas si longtemps, quil y a aussi des paix coupables, comme de longs silences obscènes posés sur la souffrance des peuples. Le petit jeu diplomatique qui se joue bruyamment dans les couloirs des Nations Unies et les antichambres des palais officiels, les joutes verbales ineptes des journaux à fort tirage ne doivent pas nous faire perdre de vue lessentiel.
Lessentiel, cest bien cette souffrance irakienne qui ne se dilue pas dans le flot des discours éloquents et des petites insultes entre amis, mais qui appelle notre compassion à défaut daiguiser notre esprit critique. Car la « logique de paix » défendue par la France risque de se traduire dans les faits par un immobilisme confortable pour nos consciences (et notre économie), tandis quà lombre du régime irakien désarmé des hommes, des femmes et des enfants continueront de mourir. En voulant maintenir à tout prix lembargo, les Américains ont fait preuve dun entêtement assassin qui a causé la mort de milliers de personnes par manque de soins et de nourriture. En voulant à tout prix maintenir une paix qui permet au régime dictatorial de Saddam Hussein de rester en place, quel avenir proposons-nous aux populations de lIrak, sinon celui de probables nouveaux massacres ?
Non, la guerre nest pas une solution. Elle est « toujours un échec », comme le rappelait le président Chirac. Il nen reste pas moins que la paix défendue par la France napparaît pas comme une alternative satisfaisante à laune des souffrances irakiennes. Il faut dire que les gouvernements, quils soient américains ou français, font peu de cas des Irakiens et de leur devenir. La compassion nest pas une donnée économique ou géostratégique... À défaut déclairer le monde, la Liberté qui veille à lentrée du port de New York, non loin de limmeuble des Nations Unies, devrait éclairer les consciences. Mais si sa faible lueur ne va pas jusque-là, comment viendrait-elle jusquà nous ?
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