À vendre
En parcourant mes archives, j'ai retrouvé ce texte écrit il y a près d'un an et demi. À cette époque solitaire, je songeais pour la première fois à m'inscrire sur un site de rencontres. Pour bien faire, il fallait rédiger en quelques lignes un portrait destiné à se présenter. D'emblée, je me rendis compte qu'il serait imprudent d'y mentir : si j'étais amené à rencontrer l'une ou l'autre des personnes qui ne manqueraient pas de me contacter, toute imposture serait vite dévoilée. Il fallait donc d'être sincère, je voulus faire davantage : il ne suffisait pas de ne pas mentir, encore fallait-il ne rien dissimuler.
Maquettiste sur écran en imprimerie, passionné de théâtre, de cinéma, de musique et de poésie, je cherche l'homme qui pourrait partager ma vie dans le cadre d'une relation fondée sur la fidélité, la complicité et le partage. D'humeur changeante et volontiers mélancolique, désespérément non sportif, j'aime les rapports humains simples et les conversations serrées.
L'accident vasculaire cérébral de mon père, il y aura bientôt 10 ans, m'a conduit à rester auprès de mes parents afin de prendre soin d'eux. Ce choix que j'ai fait seul, sans subir aucune pression de la part de mes proches, a eu pour conséquence de me priver d'une vie personnelle et affective dont j'ai cru, à tort, pouvoir me passer sans en ressentir le manque. Sur le plan professionnel, au terme d'études me destinant à une carrière d'enseignant, j'ai dû me résoudre, toujours par souci de proximité (et sans doute aussi par facilité), à intégrer l'entreprise familiale dirigée par mes frères. J'y occupe, pour un salaire défiant toute concurrence — et toute raison —, l'emploi de maquettiste sur écran assorti des fonctions de responsable informatique... Après 8 ans, je peux dire sans craindre de me tromper beaucoup que, bien que je nourrisse toujours à leur égard une affection réelle, travailler avec mes frères a été, de loin, la décision la plus désastreuse de toute mon existence, entraînant un climat familial délétère et occasionnant de nombreuses tensions. L'éloignement de mes amis les plus fidèles ne m'a pas permis de trouver, dans leur soutien chaleureux, l'équilibre émotionnel qui me manquait et c'est tout naturellement que mon caractère s'est assombri au fil des ans, me plongeant peu à peu dans une forme de mélancolie chronique proche de la dépression. Passionné de poésie, de théâtre et de musique classique, je participe depuis quelques temps à un atelier de pratique théâtrale qui me procure à la fois un grand plaisir et un mieux-être évident. Je m'intéresse également à la photographie (de nombreuses expositions de qualité sont proposées par une association locale) et, de temps à autres, répondant à un besoin urgent de partager une pensée ou un sentiment, il m'arrive d'écrire. J'y ai d'ailleurs plus de succès qu'à l'oral où ma timidité naturelle m'empêche d'exprimer clairement mes émotions. Au final, je dirais de moi-même que je suis un individu infiniment ordinaire, dont l'aspiration au bonheur, bien que primordiale, ne l'est pas moins.
Abordons la question qui fâche... Autant être parfaitement honnête : sans être définitivement repoussant, mon physique n'a rien d'avantageux et ne répond en rien aux critères médiatiques et sociaux. Je suis corpulent (un peu plus de 100 kg) et ce surpoids me cause de nombreux complexes. Je suis assez grand (1,78 m), blond, avec un regard attentif et un visage qu'on s'accorde à reconnaître jovial et expressif (le côté jovial est soumis à de sérieuses réserves et tient sans doute autant aux circonstances qu'à ma rondeur). Je n'aime pas mes mains, courtes et grasses, dont on ne distingue pas le réseau veineux. N'ayant ni torse puissant, ni muscles abdominaux apparents à mettre en évidence, je ne ne m'épile pas comme font certains hommes. Il faut croire que je ne suis pas un bon exemple de la modernité, comme l'indique mon style vestimentaire. J'use souvent mes vêtements jusqu'à la trame avant que me vienne l'idée d'en changer. J'ai d'ailleurs horreur du shopping que je considère comme une perte de temps. On aura compris que je ne m'aime pas beaucoup et que, dans cette optique, toute tentative de ma part pour me le dissimuler s'apparente à un mensonge. Je n'aime pas les mensonges.
Je ne cherche rien de très extravagant. Mon idéal de bonheur est, somme toute, d'une grand simplicité et mon fantasme le plus violent consiste d'ordinaire à m'imaginer, au terme d'un pique-nique au bord de l'eau, dormant dans l'ombre des arbres, la tête posée contre la poitrine de celui que j'aime, ou — c'est une variante — le regardant dormir, paisible, et sentant sa poitrine se soulever doucement sous ma main. Voilà pour la rêverie. Pour le quotidien, je souhaite seulement rencontrer un homme dont l'amour que j'aurais pour lui s'inscrive dans le cadre d'une relation durable, faite d'échange et de partage. Je ne cherche pas quelqu'un qui me complète, mais quelqu'un qui me comprenne, quelqu'un qui soit simplement là pour moi et pour qui je serais là également sans qu'il soit question pour autant d'interdépendance. D'un point de vue purement pratique, il serait sans doute souhaitable qu'il n'habite pas trop loin de mon lieu de vie. Si mon objectif est de vivre à présent la vie dont je me suis trop longtemps privé, l'abandon des miens, au moment où ils ont le plus besoin de moi, n'est ni envisageable, ni même seulement négociable. Je n'ai jamais pensé que l'égoïsme soit un préalable au bonheur, bien au contraire. Voilà. Si, en dépit de ce tout ce que j'en ai dit, vous persistez à vouloir me connaître, vous savez ce qui vous reste à faire.
6 commentaires:
Tu as oublié de préciser que tu ronfles bien plus que le moteur d'un vieux porte-container soviétique qui achève ses jours dans le port de Zanzibar et dont la coque rouillée, en attente de partance, sert de terrain de jeu aux enfants qui plongent en riant du haut de son pont dans l'eau nauséabonde!!! :D ;)
C'est juste et je le confirme : je ronfle bien plus que le moteur d'un vieux porte-container soviétique. J'espère seulement que mes croisières ont autant (sinon plus) d'exotisme. ;)
Les croisières bloguesques se résument souvent à la route de la "soi" (argh!). Voilà pourquoi c'est toujours un plaisir de t'entendre en vrai, le capot ouvert ! :D
En fait, j'ai dû te confondre avec un ami. :D
Ca m'agace.
Tes textes sont à la fois désarmant de sincérité, impressionants par la limpidité du style et en même temps...
Comment dire?
Je ne sais pas, comme une attitude romantique fleurtant avec le zen new-age.
Peut-être pas - si ça se trouve, le filtre est chez moi.
Bref, ça me déconcerte.
Au fait, tu as eu des réponses ?
Je m'estime déjà heureux qu'ils ne te laissent pas indifférent. ;)
La sincérité est une stratégie comme une autre, à ceci près que je ne l'utilise pas pour obtenir quelque chose des autres, mais de moi. Je dois espérer qu'une fois dépouillé, aussi nu que possible, je pourrais enfin approcher au plus près de territoires inconnus… Un truc dans le genre.
Et non, personne n'a répondu. Ça n'est pas évident je suppose, quand on laisse si peu de place au fantasme amoureux, quand on abat les cartes avant même le début de la partie. Mais je n'ai plus vraiment de temps à perdre avec ces conneries.
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