samedi 16 novembre 2002

À Deauville, sous la pluie

À Paul, qui pense à moi. Je pense à lui.

Ils sont à Deauville, sur la plage. Ils se promènent. La pluie les surprend. Ils se regardent et se sourient. Il remonte son col. Elle tient sa veste au dessus de sa tête. Le ciel a des reflets verts. Il la tient par le bras et leur pas se fait plus rapide.
Ils sont à Paris, à la gare de l'Est. Elle arrive. Il a la gorge serrée. Il sent son cœur qui bat. Il a apporté des fleurs.
Ils sont à Manhattan, dans une tour qui tombe. Ils ne se connaissent pas. Ils sont assis par terre et se regardent. Ils ont peur. Ils vont mourir dans la poussière et les vapeurs de kérosène. Elle se blottit dans ses bras.
Ils sont en voiture. Il regarde la route. Elle regarde par la vitre le paysage qui défile. Elle est un peu triste, mais elle ne sait pas pourquoi. Il sent le tabac blond.
Ils sont dans une petite boîte à la mode. Ils sont bien. Il le regarde avec une tendresse infinie. Il ne sourit pas. Il regarde le petit cul du serveur qui passe en évitant les danseurs.
Ils sont sur le palier. Elle court dans l'escalier et son rimel coule. Il tient la rampe. Il hurle.
Ils sont au cinéma. Il a glissé son bras sur son épaule. Elle pense que l'acteur est beau. Il pense que c'est la femme de sa vie.
Ils sont dans un bar. Il est assis avec des amis. Il boit son café avant d'aller bosser. Il rit. Elle est pressée. Elle achète un paquet de cigarettes mentholées. Elle sent bon.
Ils sont en voyage au soleil. Il la prend en photo. Elle se trouve belle et elle aime qu'il la regarde.
Ils sont chez eux, dans un canapé profond acheté en solde. Il regarde le journal télévisé, un verre de Bordeaux à la main. Elle se serre contre lui, le regard perdu. Elle pense qu'elle voudrait un enfant.
Ils se croisent. Il est dans sa voiture. Elle remonte la rue. Il roule doucement. Elle pleure. Il la regarde, mais il ne la connaît pas.
Ils sont dans l'ascenseur. Elle fait comme si elle ne l'avait pas vu. Il regarde sa nuque et ses jambes. Elle pense à cet homme qui respire son parfum.
Ils sont partout, au bout des câbles, sous les ampoules électriques dans les maisons et dans la rue, sous les néons, au bout des prises, au bout des doigts. Ils sont partout, dans les parcs, sur les plages, dans les avions, dans les voitures et dans les trains qui partent, sur des bateaux. Ils marchent dans les rues et sur les routes où leurs destins se croisent. Ils s'aiment, parfois sans se connaître, ils se déchirent. Ils s'aiment.

Mais il pleut doucement sur Deauville. Et le ciel a de beaux reflets verts.


2 commentaires:

Anonyme a dit…

C'était une très belle idée! Je veux juste vous dire merci pour les informations que vous avez partagés. Juste continuer à écrire ce genre de poste. Je serai votre fidèle lecteur. Merci encore.

Le Gallinacé a dit…

le mur des chiottes...très bien écrit !